Présentation du livre « Bure , la bataille du nucléaire »
Bure, la bataille du nucléaire
Gaspard d’Allens – Andrea Fuori
Un sarcophage gigantesque censé tenir des dizaines de milliers d’années! C’est au nom de ce projet fou, qui serait le plus grand chantier d’Europe, que Bure, entre Meuse et Haute-Marne, se transforme en zone grillagée et quadrillée de gendarmes. Pour l’industrie nucléaire, ce territoire relégué serait l’exutoire ultime des déchets radioactifs qui s’accumulent et dont elle ne sait que faire.
Sur place, les habitants sont de plus en plus nombreux à s’insurger contre la transformation de leur région en « poubelle atomique ». Depuis deux ans, des dizaines de personnes s’installent sur place, occupent une forêt, bloquent les travaux. La nouvelle bataille du nucléaire est lancée, pour empêcher de croire que cette industrie peut continuer sans risque, réinventer des manières de vivre et lutter, imaginer d’autres possibles pour ce pays.
Dans cette enquête où l’engagement vécu se mêle au regard journalistique, Gaspard d’Allens et Andrea Fuori n’écrivent pas un livre de plus sur le nucléaire, mais l’histoire en train de se vivre d’une rébellion déterminée contre la violence du monde dont l’Etat achète les consciences pour imposer le silence. Le combat vaut d’être mené : ce récit impétueux et pourtant réfléchi convainc qu’il est possible de faire reculer les puissants. Plutôt que la contamination radioactive, parier sur la contagion joyeuse d’une force de résistance.
Gaspard d’Allens est journaliste. Il a déjà publié les Néo-paysans (Seuil-Reporterre), avec Lucile Leclair, un livre qui a révélé l’importance d’une passionnante mutation agricole, et qui connaît un grand succès.
Andrea Fuori s’est installé à Bure il y a plus d’un an, complètement bouleversé par ce qui s’y jouait. Il écrit occasionnellement pour Reporterre et des médias autonomes.
http://www.leparisien.fr/societe/dechets-nucleaires-a-bure-un-territoire-sacrifie-24-10-2017-7351119.php
Sous le pseudonyme « Andrea Fuori », ce Niortais entré en résistance dénonce la stratégie du projet de poubelle nucléaire de Bure et le combat qu’il a rejoint.
Il se fait « Andrea Fuori ». Evidemment, ce n’est pas son vrai nom. Il justifie ce pseudo par son engagement militant qui lui vaut d’être dans le collimateur des autorités depuis qu’il s’est installé à Bure, dans la Meuse. Ca ne l’étonnerait pas d’ailleurs d’être fiché S. « On a été perquisitionnés fin Septembre dans le cadre d’une enquête après des sabotages d’engins de chantier, ils cherchent à nous poursuivre pour « association de malfaiteurs ». Ils ont saisi le bouquin avant qu’il ne sorte : du coup, nos premiers lecteurs ont été les forces de l’ordre, le ministère de l’Intérieur et le parquet! » Ca l’amuse presque.
Il y a deux ans, ce Niortais de 26 ans a rejoint le groupe qui bataille contre le projet Cigéo, un centre d’enfouissement de déchets nucléaires ultimes, ajoutant ses forces à une lutte commencée il y a 25 ans.
Le résumé qu’il fait du projet de l’Andra est édifiant : « Ce serait la plus grande poubelle nucléaire d’Europe : ils veulent creuser 265 kilomètres de galeries à 500 mètres sous terre pour enfouir 80000m3 de déchets. Ils ont prévu que sa construction s’étalera sur 130 ans. L’Andra voudrait nous faire croire que la roche retiendra ces déchets pendant 100000ans »…
On découvre ces chiffres dans le livre qu’il cosigne avec le journaliste Gaspard d’Allens, « Bure, la bataille nucléaire« , et qu’il a présenté à la Librairie des Halles mercredi. « Ce livre va au-delà de l’aspect technologique du projet, on s’intéresse plutôt à sa dimension sociale et territoriale, on raconte comment l’Andra s’implante, on montre comment Bure cherche à fabriquer de l’acceptation et de la redistribution des terres ou l’argent aux collectivités… On fait avaler à des gens une pilule refusée partout ailleurs (*). » … Et « faire avaler la pilule », Andrea Fuori le revendique : ce « réquisitoire argumenté et partisan » est un acte foncièrement militant pour médiatiser un projet que ses porteurs ont, au contraire, tout intérêt à garder dans l’ombre. « Pour eux, il est essentiel qu’on en parle pas. Ils sont sur une stratégie d’implantation lente et de banalisation : ils s’installent lentement, donnent à leur projet le nom flatteur et « rassurant » de « laboratoire de recherche scientifique » pour que, dans 25 ou 30 ans, quand la construction démarrera, plus personne ne s’en offusque car le complexe fera partie du paysage… Ils ne cherchent plus les meilleurs sous-sols mais l’acceptabilité sociale du projet. »
(*) L’Andra avait en vain tenté d’installer son « laboratoire » ailleurs, notamment à la Chapelle-Bâton, dans le sud-Vienne, et dans le Gard. L’opposition des populations locales avait fait reculer les décideurs. « Bure, la bataille du nucléaire« , par Gaspard d’Allens et Andrea Fuori, éditions Seuil avec Reporterre, 150 pages, 12€.
Des Deux-Sèvres au fin fond de la Meuse.
Pourquoi quitter les Deux-Sèvres pour la Meuse?
A demi-mots, « Andrea Fuori » commence par remercier ses parents de lui avoir donné les outils pour diagnostiquer les plaies du monde : il s’est d’abord convaincu de l’urgence d’instaurer « une agriculture plus durable », puis, à Notre-Dame-Des-Landes, il a découvert « une manière de vivre autrement et de lutter en même temps ». Son besoin d’engagement l’a conduit à Bure où il a participé à l’organisation d’un campement anticapitaliste pendant l’Eté 2015. « En 2016, j’ai quitté ma vie urbaine, à Paris, pour m’y installer. Aujourd’hui, nous sommes entre une quarantaine et une cinquantaine, on essaie de faire revivre ce territoire sacrifié ».